Parce qu'André Godin considère que la conquête du bien-être matériel estla plus sûre garantie que l'humanité puisse avoir de sa liberté morale,le but de toute sage économie sociale devient celui d'assurer cebien-être aux classes ouvrières, en leur accordant les équivalents de la richesse.Il convient alors de placer la famille du pauvre dans un logementcommode, entouré de toutes les ressources et de tous les avantages dontl'habitation du riche est pourvue. Une conception supérieure del'habitation humaine est alors nécessaire pour en faire un lieu detranquillité, d'agrément et de repos, grâce à des institutions communesqui remplacent les services que le riche retire de la domesticité. Sidans la première moitié du XIXe siècle, le capital et letravail ont créé la grande industrie et transformé les moyens detransport, il leur reste à entreprendre la réforme architecturale del'habitation. Le Familistère fondé à Guise répond à toutes les règles àobserver dans l'édification du palais social. Pour accueillir lapopulation attirée par le développement régulier de l'industrie despoêles, les prairies de la vallée de l'Oise touchant aux propriétésbâties de la ville ont été investies et composent dorénavant un nouveauquartier. Remarquable par son importance, le Familistère est conçu pourpermettre à 1 500 personnes de se voir, se rendre visite, vaquer à leursoccupations domestiques, se réunir dans les lieux publics et faire leurapprovisionnement, sous galeries couvertes, sans se préoccuper du tempset sans avoir jamais plus de 160 mètres à parcourir. Toutes lesmarchandises sont achetées par un syndicat et vendues à la masse à sonprofit, supprimant les intermédiaires. Les bénéfices commerciaux, ainsiréalisés, sont un solide élément du budget de la population et luipermettent de réaliser toutes les institutions de prévoyance mutuellequi peuvent concourir à son développement physique et moral. Á ceux quin'ont pas le temps de préparer leurs repas et qui étaient avantcondamnés à manger leur pain sec, la cuisine alimentaire propose de bonsbouillons, des viandes cuites, des légumes qu'ils consomment enfamille. Éléments essentiels à la vie, la circulation de l'air et lamise à portée de l'eau ont fait l'objet d'études particulières. Sur les20 000 litres d'eau qui entrent chaque jour dans les habitations dupalais, 17 000 au moins vont dans la rivière, emportant avec eux lescauses qui engendrent ailleurs la mauvaise odeur et l'insalubrité dupauvre. De jour comme de nuit, « la clarté répandue partout dansl'habitation, dans les cours, les escaliers, les galeries, etc., est lesignal du progrès intellectuel et moral des générations qui vontrenaître à la nouvelle lumière sociale ».